Manoir de la Groye en vallée de Loire
Manoir de la Groye, Premier prix national VMF 2021 « rénovation contemporaine d’un jardin historique »
Restauration des jardins du Manoir de la Groye, jardin Renaissance classé MH
Maine-et-Loire, jardin laboratoire personnel
Etudes et travaux / projet réalisé / 2016-2022 / 5ha, 200.000€HT

Les Jardins du Manoir de la Groye, Saint-Saturnin-sur-Loire, par Jacqueline Raoul-Duval.
La voiture franchit la grille. S’engagea dans une allée étroite bordée de peupliers élancés, droits comme des colonnes ou des soldats de la garde, et devant lesquels poussaient à intervalles réguliers des bouquets de longues lianes souples qui ondulaient tels des éventails, ou des plumets. Le contraste des forces et des fragilités, des formes et des couleurs, du vert le plus dru au vert le plus pâle, l’ombre et la fraicheur et l’intimité de cette allée constituaient un prologue qui nous souhaitait la bienvenue de la plus délicieuse manière.
Au tournant, apparut la cour d’honneur. Inondée de soleil et vibrant de mille couleurs. Deux bâtiments en vis-à-vis. Le manoir du XVIe siècle, avec loggia et escalier incurvé, façon florentine, et les dépendances bordées, presque masquées par une large haie d’hortensias géants; leurs grosses têtes, d’un rose très vif et sûr de lui, contaient fleurette à des roses blanches épanouies qui à profusion dévalaient du toit.
Le long mur qui nous faisait face était recouvert de deux glycines, l’une bleue de Chine, l’autre blanche du Japon. Et partout dans cette cour carrée s’élevait une multitude de pots en terre, en pierre, en métal d’où jaillissaient des plantes aquatiques, des fleurs, des couleurs, elles ajoutaient une note de fraicheur. Une ode à la joie. Sous un ciel d’été et une brise aérienne.
A gauche, quelques marches discrètes menaient à l’arboretum (je découvrais ce mot). Plusieurs mètres plus haut, c’est un tout autre décor, l’horizon s’est largement ouvert. Une colline grimpe à gauche, couronnée d’une extraordinaire et imprenable falaise végétale : des conifères en rangs très serrés, d’une verticalité et d’une hauteur surprenantes arrêtent en plein ciel la course du vent.
A droite s’étend une clairière, suivie d’une deuxième, puis d’une troisième clairière. L’œil s’égard et se régale et découvre un jardin à la française, des lignes horizontales ponctuées par des ifs taillés en boules, en cubes, en cônes. Surprise! La pergola qui longe ce jardin de géomètre surplombe d’un côté la piscine bordée d’un potager, et de l’autre, une très vaste prairie qui court jusqu’aux bords de la Loire, très en contre-bas, très loin. En fait, on chemine sur la muraille d’enceinte du manoir. Sur cette prairie qui blondit doucement, on ne sait qui, un cultivateur mystique, des Martiens? ont dessiné de grands cercles d’où partent des rayons, et ces signes mystérieux, cosmiques, nous rappellent que le monde est un village.
A l’égal de l’écrivain, du peintre ou du sculpteur, le paysagiste du manoir de La Groye, Renaud Paque, construit une œuvre qui déroule une histoire, une histoire vivante inscrite dans le temps, et en perpétuel devenir. Il construit un théâtre où naissent, grandissent, fleurissent, se marient les fleurs et les arbres venus des plus lointaines forêts de notre planète, des érables du fleuve Amour, des cèdres de l’Himalaya, des lauriers du Portugal, des copalmes d’Amérique, des parroties, des tulipiers, des sycomores et des muriers noirs, des eucalyptus et des robiniers dorés, des bouleaux, des frênes, des arbousiers et des platanes. Et il y ajoute à pleines mains nos rhododendrons et nos hydrangeas, et nos rosiers grimpants et nos clématites et nos pâquerettes. Et surtout, il crée des perspectives, des paysages aussi différents que possible, calmes, accidentés, plats, en relief, romantiques ou dépouillés, j’en ai compté huit et c’est je crois ces huit tableaux qui m’ont raconté l’histoire qu’il a lentement mûrie et qu’il continuera d’écrire et de ciseler au fil des travaux et des jours.
C’était le samedi 24 juin 2017, le ciel de l’Anjou était sereinement bleu, l’air circulait d’un bosquet à l’autre, glissait le long des pentes, se chargeait de parfums, nous fêtions les cinquante ans d’un ami artiste, esthète, breton. Et d’une essence rare.







